Lettre d’information électronique de l’association Béarn Adour Pyrénées – N°32 – mai 2014
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Porte close pour les camions avec l’Aragon C’EST LA SAISON DES AFFAISSEMENTS
C’est l’histoire d’un voyageur palois qui souhaite se rendre en ce début mai à Saragosse. N’ayant pas d’automobile, il décide d’emprunter la ligne ferroviaire qui va de Pau à Oloron, puis ensuite le bus qui va d’Oloron à Canfranc. Ensuite, il envisage d’emprunter le Canfranero jusqu’à Huesca et Saragosse. Mais là au moins, on est en Espagne et en principe ça marche. Encore faut-il y arriver !
UN PROJET ALEATOIRE
La fermeture de la ligne Pau-Oloron, récemment rénovée, résulte d’un affaissement important du remblai peu après le viaduc de Haut-de-Gan. Le trafic voyageurs est donc assuré par des bus. Cet incident sérieux remet donc en question l’opportunité de la réouverture de la ligne Oloron-Bedous qui est désaffectée depuis 1970. Est-on certain en effet que les structures de base très anciennes de cette ligne circulant en montagne supporteront le poids des autorails TER et éventuellement des trains de marchandises ? Les 105 millions d’euros du Conseil régional risquent fort de ne pas suffire…
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Pas de train actuellement pour Oloron, lui dit-on à la gare de Pau, et cela au moins jusqu’à fin juin, en raison d’un affaissement de terrain. « Qu’à cela ne tienne, se dit notre voyageur, je prendrai le bus de substitution affrété par la SNCF ». OK ! Il le prend, arrive dans la capitale du Haut-Béarn et s’apprête à emprunter le car qui fait la liaison quotidienne avec Canfranc parce que, bien sûr, il n’y a plus de train sur cette ligne depuis 44 ans. « Désolé, lui répond la préposée, mais le bus ne peut plus circuler au-delà d’Urdos car la route est coupée entre ce village et le col ainsi que le tunnel du Somport. Il y un affaissement de terrain… Vous devrez prendre un taxi à Urdos pour atteindre Canfranc ».
Ce scénario est authentique. Un affaissement de plus, donc, causé par les pluies obstinées de cet hiver et de ce printemps. Nous sommes en montagne et il n’est pas rare que le sol ait naturellement tendance à glisser, quand ce n’est pas la neige, sans qu’on puisse maîtriser leurs descentes inopinées. Quand il y a une route concernée, on ne circule plus, du moins les véhicules lourds, motrices et camions. On applique le sacro-saint principe de précaution.
PLUS GRAVE QU’EN 2005
Le problème, en l’occurrence, en Béarn, c’est que ces malédictions – qui ne sont pas les premières hélas !- ne font que mettre un peu plus en exergue les insuffisances des infrastructures, qu’elles soient routières et ferroviaires, qui sont d’un intérêt vital parce qu’elles sont internationales. En ce qui concerne le trafic des trains, direz-vous, nous sommes habitués à ses carences car il n’y a plus de liaison Oloron-Canfranc depuis 1970. Pour le trafic routier, la problématique est beaucoup plus dramatique. Le Somport est, dans toutes les Pyrénées occidentales et grâce au tunnel routier, le seul passage correct, empruntable en toutes saisons, par les poids lourds entre l’Espagne et la France. Que la RN 134 vienne à être coupée, pour une raison ou une autre, et c’est sinon une catastrophe, du moins un désastre préjudiciable surtout pour l’économie aragonaise qui a besoin de communiquer avec nos régions et l’Europe. C’est une porte fermée pour les Espagnols. On se souvient du courroux justifié de l’importante délégation aragonaise venue exprimer sa colère à Pau, en 2005, quand la route fut coupée au lieudit Bordenave, à 3 km du tunnel, par un important glissement de terrain et interdite aux camions et cars pendant …quatre mois.
Et le même scénario recommence, en pire cette fois, car l’affaissement s’est produit au sud d’Urdos dans la montée vers la frontière. C’est en effet plus grave encore qu’en 2005 car les poids lourds de plus de 3,5 tonnes devant franchir la frontière au Somport n’ont même plus le recours d’utiliser le col. Les routiers qui ont tenté de passer malgré tout ont été sanctionnés par les gendarmes. Et les mêmes qui pensaient pouvoir passer par le col du Pourtalet et la vallée d’Ossau n’ont pas plus de chance. La configuration de ce col ne se prête pas à la circulation des véhicules d’un tonnage important. Le Conseil général qui est gestionnaire de la RD 934 l’a interdite depuis le 30 avril aux véhicules de plus de 12 tonnes. Il ne reste aux camions et semis que le tunnel de Bielsa, puis plus à l’est, le val d’Aran, très encombré, et, plus sûrement, le passage par la Côte basque à Biriatou et Hendaye. Ce qui représente 200 km de plus, avec la perte de temps et d’argent qui en résulte, pour les 300 ou 400 poids lourds fréquentant quotidiennement le tunnel.
SECURISER LA RN 134 EN VALLEE D’ASPE
Les autorités compétentes, préfecture et la DIRA (ex DDE) conscients de la gravité de la situation ont réagi immédiatement pour régler le problème d’Urdos en liaison avec l’administration de Huesca. Mais les travaux de consolidation de la chaussée - qui ont débuté très vite- qu’il faut reprendre en profondeur sur au moins cinq mètres après drainage du secteur et renforcement du mur de protection en béton, sont lourds et ne pourront pas être achevés avant le mois de juillet. Trois mois c’est long très long. Et cela pose une fois de plus le problème de la sécurisation de la RN 134, itinéraire essentiel entre les Pays de l’Adour, l’Aragon et la Navarre et au-delà toute la Péninsule ibérique. Si la déviation d’Urdos était réalisée, comme le prévoyait explicitement l’accord passé avec l’Espagne lors de la réalisation du tunnel – payé aux deux tiers par nos voisins-, ce type de problème se produirait moins souvent. Mais la France n’a ni les moyens ni, surtout, la volonté politique de traiter ce dossier. Nous le déplorons, à BAP, depuis quatorze ans.
UN COUP DUR POUR URDOS
A Urdos, le village est étrangement calme. Certes les riverains de la route nationale sont plutôt heureux de ne plus subir la nuisance des camions, mais cette quiétude est en fait assez tragique pour le village et les valléens. Jacques Marquèze, le maire de cette commune qui n’a plus que 80 habitants déplore ce nouveau coup dur qui isole une fois de plus son village. Les voitures et véhicules légers circulent encore et c’est heureux mais l’interdiction faite aux poids lourds et autocars d’emprunter la route au-delà d’Urdos pose bien des problèmes. Par exemple pour les quelque 60 pensionnaires bloqués à Peyranère, ou encore pour tous les enfants de Jaca et de la région du Haut-Aragon qui sont scolarisés à Oloron. Pour leur transport ainsi que pour rétablir le service du bus officiel Oloron-Canfranc, il faut donc prévoir des véhicules légers et minibus. Jusqu’à l’EDF qui consolide une retenue en amont d’Urdos qui doit désormais faire venir ses matériaux de béton d’Espagne. Et l’on n’oublie pas les hôtels et restaurants d’Urdos, étapes renommées qui accusent une perte de clientèle. « C’est un préjudice économique important pour tout le secteur, confie Jacques Marquèze. Derrière cela il y a des emplois en jeu ».