LE MONDE 15.12.2013.
A partir de dimanche 15 décembre, il sera possible de relier en six heures Paris à Barcelone, deux fois par jour, sans descendre de son TGV. | AFP/JEFF PACHOUD
C’est la fin de dix ans d’attente. Dimanche 15 décembre, Frédéric Cuvillier, le ministre délégué aux transports, et son homologue espagnole, Ana Pastor, devaient inaugurer le nouveau service direct de train à grande vitesse entre Paris et Barcelone.
Cela fait quatre ans et demi que le tunnel séparant Perpignan, en France, et Figueras (Catalogne), en Espagne, a été livré par le concessionnaire privé TP Ferro. Mais la voie reliant le tunnel à Barcelone n’a été mise en service qu’en janvier 2013…
Par ailleurs, l’homologation des trains devant circuler sur les deux réseaux nationaux a été longue à se concrétiser. Si la SNCF assurait déjà une liaison vers Figueras depuis deux ans, il fallait, pour rejoindre Barcelone, changer de train. En 2012, 300 000 passagers internationaux ont testé ce service. Désormais, les trains seront directs.
« NOUS SOMMES COMPÉTITIFS »
Depuis ce dimanche, il est désormais possible de relier en six heures Paris à Barcelone, deux fois par jour, sans descendre de son TGV. De même, la SNCF et son homologue espagnole, la Renfe, lancent trois allers-retours quotidiens, entre Madrid, Barcelone et Lyon, Marseille et Toulouse. Montpellier sera à deux heures cinquante de Barcelone. Pour l’ensemble des trains reliant la France à l’Espagne, « notre objectif est d’atteindre un million de passagers internationaux en 2014 », indique Barbara Dalibard, la patronne des TGV au sein de la SNCF.
Avec un prix d’appel à 69 euros sur le Paris-Barcelone, l’entreprise publique espère concurrencer les compagnies aériennes à bas coût qui règnent sur ce trajet. « De centre-ville à centre-ville, assure Jean-Yves Leclercq, le directeur Europe de SNCF Voyages, nous sommes compétitifs. Par l’avion, c’est cinq heures trente, par le train c’est six heures. »
Du côté catalan, on se réjouit. « Grâce à un projet comme celui-là, nous pouvons supprimer de vieilles frontières du XXe siècle », assure Santi Vila, ministre-conseiller du territoire du gouvernement catalan.
RELANCER LE FRET
L’inauguration de cette nouvelle offre de la SNCF et de la Renfe n'est pas le seul sujet de discussion des deux ministres de transports. En effet, le concessionnaire des 44 km de ligne qui relient, par un tunnel, la
France à l’Espagne, est au bord du dépôt de bilan. Détenu à parité par les spécialistes du BTP Eiffage et ACS, il est en grande difficulté, car les trafics attendus ne sont pas au rendez-vous.
Entre 2009 et 2012, l’Etat espagnol, qui n’avait pas rempli ses engagements de relier la concession à la voie classique, a versé 30 millions d’euros par an. Depuis le début de 2013, l’Espagne ne paie plus. Et la concession ne se finance que grâce aux péages, qui ne rapportent, selon la lettre professionnelle Mobilettre, que 300 000 euros par mois.
« Cette ligne ne reçoit pas le trafic de fret et de passagers attendu », assure-t-on en Espagne. Pour relancer le fret, qui s’élève à 10 % de ce qui était anticipé en 2004, Madrid s’est engagé à construire une connexion ferrée vers le nouveau terminal de Barcelone, où le chinois Hutchinson a investi 800 millions d’euros…
En France, il n’est pas question de construire dans l’immédiat la ligne à grande vitesse entre Montpellier et Barcelone, qui faciliterait la vie de la concession. « C’est habituel pour un concessionnaire de gonfler ses perspectives et d’ensuite crier au loup quand il ne rentre pas dans ses frais », précise un professionnel.
Si Paris n’entend pas subventionner le concessionnaire, plusieurs scénarios sont à l’étude. Cela va d’une déchéance pure et simple du concessionnaire à la création d’un nouveau montage financier avec l’entrée d’actionnaires publics. « Nous avons jusqu’à mi-2014 pour trouver une solution », assure-t-on au gouvernement.